Le mariage est une union entre un homme et une femme. Il est plus que cela chez les Fang: c’est un contrat établi entre la famille du mari et celle de la femme. Pour aller plus loin encore, ce contrat concerne quatre clans (deux de chaque famille). Il appelle à des obligations réciproques qui sont entre autres le respect, la solidarité, l’entretien (la belle famille doit profiter de leur fille). Les prétendants au mariage ne doivent pas appartenir au même clan. Le mariage est un long processus qui s’étale normalement sur trois grandes phases après la rencontre entre l’homme et la femme. Il y a les présentations ou fiançailles (ndzang), la remise de la dot (nsua) et l’accompagnement de l’épouse par sa famille dans sa nouvelle famille (bilen). Nous allons donc voir le déroulement et l’importance de chacune de ces phases qui peuvent prendre plusieurs mois voir plusieurs années. Les présentations Le but des présentations est de faire connaître l’homme au sein de la famille de la femme et d’autoriser la femme à aller vivre chez lui. Il ne s’agit que d’un petit pas dont certains s’en passent. Cette étape est surtout indispensable lorsqu’on est pas encore prêt pour la remise de la dot et qu’on souhaite vivre avec sa fiancée. Lorsqu’un homme rencontre une femme qu’il souhaite épouser, il en parle à ses parents. Après concertation dans le cadre familial et acceptation des parents les plus proches, le chef de famille réunit le clan pour les informer de la date des fiançailles. La femme, informée par son futur fiancé, informe à son tour sa famille pour que celle-ci se prépare à recevoir la famille du prétendant. A la date fixée, le clan se réunit et chacun apporte un petit cadeau (machettes, houes, limes, boissons, argent, tissus, …etc ; Tout est accepté sauf certains aliments comme la viande d’antilope-sô- ou les chats sauvages qui ne vont jamais chez la belle famille). Certains membres du clan se déplacent ensuite chez la famille de la femme où ils sont attendus. Le chef de clan de la famille de la femme prend la parole pour souhaiter la bienvenue aux étrangers et leur demander l’objet de leur visite. Un représentant du clan de l’homme prend la parole pour répondre. Son discours est très important d’où la nécessité qu’il soit un bon parleur. Les mots prononcés engagent la crédibilité du clan de l’homme. Au cours de son intervention l’orateur doit donner son identité, son clan, ses liens de parenté avec le futur fiancé, son village, le clan du futur fiancé qui est le même que celui de son père dans la mesure où la société fang est patriarcale, le clan de la mère du futur fiancé, les noms équivalents des clans qui ne sont pas les mêmes dans toutes les régions exemple angonawè à Minvoul équivaut à Essangui à Oyem. L’orateur présente les présents et une certaine somme d’argent (elle varie actuellement entre 150 euros et 450 euros dans la plupart des cas) à la fin de son discours. Il fait généralement comprendre à la famille que ce qu’ils ont apporté est insuffisant et qu’il ne s’agit pas encore de la dot. La famille de la future fiancée se retire en conclave (essôk). Une fois la décision prise, elle est communiquée aux visiteurs. En cas d’accord suivent les réjouissances avant que le fiancé ne soit présenté à la belle-famille. Les fiancés n’interviennent pas pendant toute la durée des négociations. La femme n’intervient que sur convocation en cas de statu quo persistant. Elle est ainsi mise devant ses responsabilités. Les visiteurs sont invités à manger avant de rentrer chez eux avec ou sans la fiancée. Ils partent avec la nourriture offerte par le clan de la fiancée (banane, manioc, taro, igname, poule, coq, …etc). A partir de ce moment le fiancé peut venir dormir ouvertement chez sa dulcinée. Il peut discuter avec ses beaux parents mais il sait qu’il n’est pas totalement intégré dans la famille et que le plus important reste à faire. Il s’agit de la dot. La remise de la dot La remise de la dot est une étape incontournable. La dot permet à l’homme d’avoir l’autorité sur la femme. Elle peut être considérée comme une caution. L’homme s’engage à bien garder sa femme et à bien l’entretenir en laissant une caution symbolique qui peut atteindre des sommes importantes. La procédure de la remise de la dot est presque identique à celle des fiançailles. Elle comporte des scènes en plus et les membres du clan du fiancé sont plus nombreux. Avant d’arriver chez la fiancée ils sont reçus par des femmes qui chantent, font des mimiques et des jeux pour les faire rire (si on rit on paye car cela signifie qu’on se moque de la belle famille ce qui est considérée comme un sacrilège). Des barrières (3, 4, 5 ou parfois plus) où ils doivent à chaque fois payer pour traverser sont dressées sur leur chemin. La somme à payer dépasse rarement 15 euros. En plus, cet argent sera comptabilisé au moment du décompte de la plus grande somme à remettre. Une dernière barrière est placée à l’entrée du lieu où la cérémonie doit se poursuivre. C’est généralement un trou qu’il faut remplir en y mettant un pagne et de l’argent. Le franchissement de cette dernière barrière signifie que le clan de la fiancée accepte de discuter avec celui du fiancé. C’est à ce moment que les hommes rentrent sur scènes. Les visiteurs présentent l’objet de leur présence à la demande du clan de la fiancée. Ils doivent clairement formuler la demande en mariage. Ils présentent à l’assistance la marchandise qu’ils ont apportées en prenant soin de donner de la valeur à celle-ci. La marchandise est plus importante que lors des fiançailles. L’argent de la dot qui varie actuellement entre 600 et 3000 euros est compté devant tout le monde à même le sol et laissé là. Le clan du fiancé signale tout de même qu’on ne « dote » pas une femme une seule fois mais toute la vie et surtout comme le dit un proverbe fang : à la taille du nid celle de l’oiseau qui s’y couche. Les membres du clan de la fiancée se retirent pour un conclave. Après qu’ils aient pris une décision la fiancée est convoquée pour la décision finale. L’orateur de son clan lui demande devant tout le monde de ramasser l’argent et de le remettre à son parent le plus proche si elle accepte le mariage sinon elle doit le remettre à son fiancé. C’est le moment le plus important de la cérémonie. Lorsque la fille remet l’argent à son parent les femmes qui accompagnent le clan du fiancé entonnent des chants de joie et de victoire car leur fils vient d’être accepté et l’affront d’un refus que tout le monde craint a été évité. Le récepteur de l’argent prend la parole après avoir rétabli le calme. En principe, le dernier mot lui revient. Il conseille les mariés, fait état des éventuels défauts de leur fille, met en garde le clan du marié contre tout mauvais traitement dont serait victime leur fille et invite les visiteurs à passer à table. Certains plats comme les gâteaux d’arachide et de concombre faits dans des feuilles de bananier sont quasiment obligatoires. Après le repas les femmes continuent de chanter pour veiller et une danse est souvent organisée pour mettre de l’ambiance et permettre aux jeunes de s’amuser. Une telle soirée peut engendrer d’autre mariage. Le lendemain matin, les visiteurs ont droit à l’eau pour se débarbouiller ensuite reprennent les jeux. Lors de ces jeux, tout visiteur qui sourit paye car on estime qu’il se moque de la belle famille ce qui est impardonnable. Paradoxalement, ne pas sourire vaut aussi une amende car cela veut dire qu’on ne s’intéresse pas aux efforts de la belle famille. Les membres du clan du marié sont invités à « soulever » un gâteau fait avec la pâte d’arachide très volumineux avec bien sûr de l’argent. Plus ce gâteau est volumineux plus cher il coûtera et plus crédible sera la famille de la mariée. Après ce dernier acte le clan du marié est remercié et des cadeaux leur sont remis. Ces cadeaux sont plus nombreux que lors des fiançailles jusqu’à pouvoir remplir des véhicules de type pic-up. Après le mariage, le village de la mariée devient celui de son mari. Les enfants issus de cette union porteront incontestablement le nom de leur père. Ce nom se place en seconde position (par exemple Mbé Ezema qu’il faut comprendre par Mbé fils d’Ezema). Le marié est impliqué à tout évènement qui se passe dans la famille de sa femme. Il fait désormais parti de celle-ci. Une dernière négociation peut se faire quant à savoir si la femme doit partir avec son mari. Beaucoup d’hommes décident de rentrer avec leur épouse mais quand ceci n’est pas fait, le clan de la femme accompagnera leur fille ultérieurement. La cérémonie à suivre s’appelle bilen. Le bilen Le but de cette dernière phase est de présenter officiellement les deux époux au village tout entier. Cette étape est la moins suivie des trois. Au jour convenu, la famille de la mariée se présente au village du mari. La mariée est cachée et ne doit être aperçue par quiconque même son mari. Elle est accompagnée par de nombreuses filles. Elles doivent être belles et charmantes. Toutes sont enfermées dans une maison jusqu’au jour de la cérémonie pendant au moins 24h et au maximum 48h. La cérémonie se déroule sous une grande tente faite de feuilles de palmier. Elle commence par la sortie tour à tour des sœurs de la mariée au son de la musique. Chaque sœur de la mariée sort avec un frère du marié. Ils exhibent quelques pas de danse et vont s’asseoir après avoir échangés leur cadeau. Quand tous sont passés, le marié sort enfin avec son épouse devant tout le village. La femme est donc présentée à l’assistance et des cris de joie sont poussés de partout. Les coups de feu tirés en l’air retentissent. Après cette sortie officielle, les mariés se retirent et peuvent commencer à recevoir les cadeaux et les félicitations des uns et des autres. Les cadeaux proviennent essentiellement de la famille de la mariée. Une danse qui doit durer toute la nuit est organisée pour maintenir une ambiance festive. Il peut s’agir d’une boom, de l’élone ou du gaulle. On passe la nuit à danser, à boire et à manger. Les rencontres sont également favorisées car a-t-on coutume de dire qu’un mariage annonce un autre. Le lendemain, la délégation qui a accompagnée la mariée est reçue et remerciée d’être venue accompagner leur fille dans sa nouvelle famille. Un peu d’argent leur est encore remis. Le mariage vient donc de prendre fin. Nous venons de voir que le mariage est un long processus qui peut prendre plusieurs années. Si certaines étapes peuvent être évitées, la remise de la dot est incontournable. Elle donne de nombreux avantages à l’homme et plus de considération à la femme. Tout ce qu’on vient d’évoquer n’est en réalité que le début du mariage car, selon la tradition, on ne « dote » pas une femme une seule fois et d’un seul coup mais toute la vie. La femme est pour la tradition un ruisseau dont la source ne tarit jamais. En cas de séparation, la dot est remboursée au mari si celui-ci n’a pas eu d’enfant avec son épouse. Il faut savoir que la femme comme les enfants sont considérés comme de la richesse. La séparation n’est tout de même pas facile à accepter par les deux familles. Les négociations pour éviter la séparations durent jusqu’à ce la réconciliation ne soit plus possible. Abogo Mebale 05 juin 2006